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Balles tragiques

Publié le par L'ours

Ce n'est pas souvent qu'une mauvaise nouvelle donnée à la radio me fait fondre en larmes. Il y avait eu la mort de Brassens, celle de Brel, et puis aujourd'hui, l'attentat par armes à feu à Charlie Hebdo.

J'en ai déjà parlé ici, Charlie, c'est ma jeunesse. Reiser, Gébé, Cavanna, Choron et toute l'équipe d'Hara Kiri et Charlie ont forgé mes opinions. Mes humanités comme on disait. Parmi eux, le coco, bien que je n'aie jamais été coco, Wolinski et sa fille qui court, Cabu et son grand Duduche, bref, Charlie. Quand j'étais étudiant, j'étais allé interviewer Sylvie Caster pour un exercice. Je n'avais pas lu son livre, elle m'avait fait un cadeau incroyable. Elle m'avait envoyé chier gentiment. Bonne leçon de journalisme. Et puis j'avais bu des coups avec l'équipe, sympathisé avec Reiser, frémi devant le débonnaire Gébé qui en imposait avec sa casquette de marinier, rigolé aux conneries de Choron. Cabu était sympathique et plutôt réservé, en tout cas, ce soir-là, Cavanna parlait fort et riait tout autant.

Je me sentais comme dans une communion. Une communion de pensée anticléricale, éprise de liberté et de provocation. Et admiratif. Con comme un jeune fan, fan comme un jeune con, probablement. Je n'ai pas honte.

La kalachnikov, c'était eux qui la maniaient, armée jusqu'à la gueule de balles sans plomb et sans poudre, calibre humour, chemisées dérision. A l'arrivée des projectiles, jamais de sang, jamais de larmes, tout juste des grincements de dents.

Cavanna disait qu'un bon dessin devait être un coup de poing dans la gueule. Il ne parlait pas d'hécatombe.

Aujourd'hui, je suis d'une tristesse infinie.

Charb, je ne l'appréciais que moyennement, rapport à ses vacheries sur Brassens, mais bon, on pardonne aux gens qui ont du talent, je retrouvais Cabu dans le Canard Enchaîné. J'ai vieilli, le Charlie d'hier me manque. Reiser, Cavanna, Choron et Gébé sont dans un ciel qui n'existe pas. Cabu, Charb, Wolinski, Tignous les ont rejoints dans leur néant hormis notre souvenir et notre affection.

Ce matin, je projetais d'écrire un papier sur l'islamophobie, rapport au tintouin que provoque le livre de Houellebecq, me promettant d'écrire qu'il y avait deux sortes d'islamophobes, ceux qui craignent l'Islam pour la simple raison que c'est une religion, et que du dogmatisme, d'où qu'il vienne ne naît que la soumission et la privation de la liberté, et ceux qui le sont parce qu'ils sont racistes. Qu'hélas, les premiers, comme toujours, les athées et les anticléricaux, pâtissent de l'effroyable bêtise des seconds.

Je ne veux plus entendre que l'Islam, comme le Christianisme et autres boîtes à chimères sont des religions de bonté et de tolérance.

Je ne veux plus voir le mot spiritualité accolé à celui de religion. Qu'aucun enturbanné, enjuponné, barbu forcené ou imberbe convaincu ne me parle d'un grand manitou professant la paix et l'humanisme. Qui se consacre à Dieu réduit le sort de l'homme à un objet.

Qu'aucun clerc, imam, rabbin ou autre voyou illusionniste n'évoque un quelconque paradis.

Qu'aucun directeur de conscience, de maître à penser ne s'immisce dans nos vies privées au nom d'un quelconque mirage qu'il est seul à connaître ou invoque le respect pour de prétendus prophètes.

Ni dieu, ni maître, ni ciel. Il n'y a que de la peine. Et le souvenir qu'auront les vivants de vous, les gars de Charlie.

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