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Tête de Turc

Publié le par François

Je n'aime pas les Turcs. Ni ne les déteste. Je veux dire par là que sans être turcophile, être turc ne constitue pas pour moi une circonstance aggravante pour quoi que ce soit.
Il y a un peu plus de vingt ans, je suis allé en Turquie. Notre guide se prénommait Aykut qui nous avait dit que cela signifiait "rayon de lune" ce qui est joli.
Nous avions visité en sa compagnie une grande et belle mosquée et il ne s'était pas privé d'invectiver les islamistes qui commençaient à pointer le bout de leur barbiche, les traitant, en Turc, de salauds, d'intolérants et d'autres noms d'oiseaux fort peu flatteurs. Nous étions ressortis, un peu génés, sans trop comprendre le pourquoi d'une telle rage à l'encontre de ces "fidèles" dans un lieu de prières. Il nous avait expliqué que ces gens étaient des intégristes, comme ceux qui en France s'enchaînaient aux portes des hôpitaux pratiquant l'avortement ou mettaient le feu aux cinémas qui projetaient je ne sais plus quel film qu'ils jugeaient blasphématoire.
J'étais un peu géné, mais en tant que mécréant, l'insulte à l'adorateur d'idole ne me scandalise pas plus que ça, j'y verrais même un indice de bonne santé mentale. "Crôa, crôa, crôa comme moi, disent les sorciers de tous les pays, et surtout ne discute pas. Puis nous étions aller boire un "apple tea" chez des Turcs et cueilli des citrons sur leur citronnier. Leur acidité était douce.
Les Turcs qu'il m'avait été donné de rencontrer étaient plus qu'accueillants, bienveillants. Je garde de ce séjour un agréable souvenir.
Aujourd'hui, Dilber Can est en France. Elle ne demande rien. Enfin, pas grand chose. Juste la possibilité de mourir auprès de son fils. Dilber Can est turque, impotente et compte quatre-vingt neuf années dont les huit dernières passées en France, chez son fils Omer, Français de nationalité, boucher de métier. Dilber, elle, n'a pas de visa sur son passeport. De toute façon, avec ses vieilles jambes qui ne la supportent plus, un passeport n'a guère d'utilité.
Mais c'est sans compter sans la rupture, sans la préfecture et sans la médecine.
Car il s'est trouvé un médecin de la santé publique, mandaté par la préfecture de Moselle, un de ces types qui a prononcé le serment d'Hippocrate*, pour aller dans le sens de la loi Hortefeux qui veut par le truchement de la préfecture que madame Dilber Can aille traîner ailleurs son asthme son âge et son ostéoporose et qui entend bien voir l'avis d'expulsion de la vieille dame respecté à l'heure dite, le 7 février prochain.
Ce brave praticien a jugé, tranché dans le vif après les deux demandes de "régularisation" de l'aïeule, répondant que "l'intéressée pouvait bénéficier dun traitement approprié dans son pays d'origine" et qu'"il na pas paru opportun de l'admettre au séjour en France à titre dérogatoire ou pour des motifs exceptionnels ou humanitaires".
Je ne connais pas d'injures en Turc. Mais il y en a tant en Français, je ne sais laquelle choisir. Il suffit de lire le serment d'Hippocrate : "Que je sois déshonoré et méprisé si j'y manque" [aux promesses proférées dans ledit serment].
Aujourd'hui, quand je pense aux citrons, c'est l'amertume qui me vient. Et le mot bienveillant ne m'évoque rien de vraiment français.

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Depuis, le ministre Hortefeux, a fait surseoir à cette décision préfectorale d'expulser la vieille dame, ce, pour "raisons médicales". C'est sans doute pour elle et sa famille un soulagement. Mais le petit polo du médecin, fonctionnaire jusqu'au fond du slip, reste entaché de cette faculté d'impitoyabilité dont il a fait preuve.

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(*) Serment d'Hippocrate :
Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux. Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J'interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l'humanité. J'informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences. Je ne tromperai jamais leur confiance et n'exploiterai pas le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences. Je donnerai mes soins à l'indigent et à quiconque me les demandera. Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire. Admis(e) dans l'intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés. Reçu(e) à l'intérieur des maisons, je respecterai les secrets des foyers et ma conduite ne servira pas à corrompre les mœurs. Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément. Je préserverai l'indépendance nécessaire à l'accomplissement de ma mission. Je n'entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. Je les entretiendrai et les perfectionnerai pour assurer au mieux les services qui me seront demandés. J'apporterai mon aide à mes confrères ainsi qu'à leurs familles dans l'adversité. Que les hommes et mes confrères m'accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses ; que je sois déshonoré(e) et méprisé(e) si j'y manque »
Texte connexe : La France fout le camp


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