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Héritage

Publié le par L'ours

« Le pire, dans les maux de dents, c'est quand que c'est les racines qui sont touchées », a-t-il déclaré. Bien sûr, j'invente, je caricature dans une méchante extrapolation ces mots et cette exubérance syntaxique que Nick the First dans un discours inoubliable, un de plus, aurait pu asséner au Puy-en-Velay. J'attends d'ailleurs avec impatience le recueil de ses bons mots et allocutions diverses, tantôt sermons, tantôt harangues.
Capucinage modern style adapté à la décomplexion nationalo-frontiste d'une part non négligeable de nos concitoyens.
«La France des racines, c'est la France que nous aimons. (...) La chrétienté nous a laissé un magnifique héritage, je suis le président d'une République laïque, mais je peux dire cela parce que c'est la vérité, je ne fais pas du prosélytisme», a-t-il lancé, en arrêt tel l'épagneul devant un gibier à plumes, face aux vieilles pierres de la cathédrale médiévale.
Par ses doctes paroles, notre incomparable chanoine de Latran a rappelé, probablement inconsciemment, à sa population que Clovis 1er par son baptême à Reims fut le premier roi, non pas chrétien, mais catholique que notre territoire connut.
Les précédents potentats, dits royaumes barbares préféraient se référer à l'arianisme, sorte de chrétienté niant la Sainte trinité, réfutant donc par là, la notion d'Eglise, en particulier l'Eglise catholique romaine qui décréta l'arianisme hérétique lors du Concile de Nicée.
Notre roi des Francs se voit léguer à la mort de son père, en 481, un territoire correspondant au Nord-Est de la France actuelle, comprenant également une partie de la Belgique et une partie de l'Allemagne. Le reste de la Gaule gallo-romaine est partagé entre Rome et d'autres peuples barbares, Burgondes, Alamans, Wisigoths, Celtes, etc.
En bon barbare qu'il était, il vénère les Ases (ces dieux des mots croisés), mais noue de bonnes relations avec Rémi, l'évèque de Reims. Il conquiert de nouveaux territoires, les ravissant aux autres barbares. A l'occasion de la bataille de Tolbiac qu'il pense perdue, et poussé par sa femme Clotilde, il se convertit dans une sorte de pari païen.
Mais les racines, celles de la France que l'on aime tant, s'enfoncent davantage dans le terreau du temps. Le christianisme existait déjà sur le territoire gallo-romain, depuis l'empereur Constantin 1er, depuis que Rome après avoir persécuté les Chrétiens en avait adopté officiellement la religion. Ce territoire faisant partie de l'Empire romain vit son christianisme malmené par les barbares « païens » porteurs de cultures religieuses « traditionnelles ».
Auparavant, les Romains, polythéistes, avaient conquis les peuples des Gaules, eux aussi polythéistes. Autrement que par le biais des aventures d'Astérix le Gaulois, on a tout oublié de Toutatis, Bélénos, Esus et Belisama. Faut-il envoyer le petit Nicolas à Vaison-la-Romaine pour qu'il puise les racines de la France que nous aimons dans le culte de cette dernière, déesse du feu ou encore à Lyon dont l'ancien nom « Lugdunum » fait irrésistiblement songer au lumineux Lug ?
Le Christianisme essaimé par des évangélistes mit quatre siècles avant de s'implanter dans l'Empire, pour perdurer jusqu'à aujourd'hui. Mais doit-on faire rivaliser deux mille ans de christianisme avec ce qui a précédé et que le Christianisme s'est efforcé d'effacer ?
Il s'est implanté durablement, certes. Tout comme la monarchie. Finalement, c'est la monarchie qui constitue l'héritage chrétien dont parle celui qui ne fait pas de prosélytisme.
Monarchie qui s'est toujours appuyée sur l'Eglise par intérêt politique. Et l'intérêt politique, voilà qui sonne mieux aux oreilles de Nick the First.
Il n'est nullement question, dans la laïcité que nous connaissons, d'abattre les pans des cathédrales, il n'est nullement question d'empêcher qui que ce soit de s'en émerveiller, de rendre hommage aux compagnons qui les érigèrent ou aux francs-maçons qui y dissimulèrent quelques signes ésotériques, il n'est nullement question de reprocher quoi que ce soit aux fidèles qui y prient. Pourquoi focaliser son discours sur « le magnifique héritage » que nous a laissé la chrétienté ? Tout allait bien en ce sens, personne ne le niait.
A moins que ce discours moins prosélyte qu'il n'y paraît, soit une charge contre la République et contre la laïcité, comme celui d'un roi abandonné par l'Eglise et ses fidèles, mais une fois encore, l'ancien ministre de l'Intérieur commet une erreur. Tout comme l'appel du pied fait à ceux qui vénèrent la Résistance, venus de tous bords et particulièrement aux gaullistes de gauche, ces tenants d'un gaullisme social issu du CNR, en s'affichant au plateau des Glières, a plus agacé que flatté, la manifestation étant perçue comme la flagornerie d'un boutiquier, celui-ci, fait aux Chrétiens, ne touchera que les quelques catholiques extrémistes déjà séduits par le Front National. Et Dieu sait si les traditionalistes sont fidèles. Les Chrétiens qui font le chemin de Compostelle, davantage sourcilleux en matière de pureté intérieure n'auront pas oublié la clinquante période de l'arrogance au Fouquet's, la retraite spirituelle sur le yacht de Bolloré et les exhibitions de Rolex aux conseils des ministres. Quant aux Musulmans qui se sentent légèrement visés par ces propos d'exception, serait-on surpris s'ils réservaient leur vote ?
Finalement, il a beau mouliner, il ne sème que de vent. Et qui sème le vent...

Du vent. Un joli slogan.

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