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L'émotion à portée de clic

Publié le par L'ours

Le cul planté dans mon fauteuil, le clavier sous les doigts, j'entends les nouvelles. Chaque jour fait défiler son lot de politico-mégalomanie, de bonnes nouvelles scientifiques, découvertes encourageantes pour l'avenir qui ne tarderont pas à se transformer en inquiétudes en fonction de l'utilisation que certains projetteront d'en faire, de constats plus ou moins nuancés de la vacuité de la parole publique, de scandales, d'injustices, de vaines polémiques, de guerres lointaines, de malheureux aux frontières, d'arrestations ou de recherches infructueuses de criminels. L'actualité, c'est la foire aux nouvelles, il y en a pour tout le monde, le stock jamais ne s'épuise, c'est la vie. Le lecteur ou l'auditeur y pense et passe à autre chose. Dame, il y a la vie à côté de la vie, il faut bien mener la sienne. On ne peut se sentir concerné par tout et à tout moment, et il y a des chatons gentiment partagés sur le réseau social, tellement drôles ou tellement mignons (et des blogs aussi, tels Les Carnets de l'Ours, je dis ça…)

Et tout à coup, le choc. L'attentat meurtrier. Proche. Chez des proches. Chez nous, presque.

Sur le réseau social apparaissent les drapeaux. Belge, européen, des panneaux avec un message de sympathie pour nos amis bruxellois. Les panneaux de compassion, on les a vu défiler en masse lors des attentats qui nous avaient endeuillés. Je Suis Charlie, Je Suis Paris. Ça ne change pas la face du monde, mais ça réchauffe un peu le cœur. On se sent soutenu, entouré. Ce sont les condoléances.

Condoléances, donc pour les Belges. Pour les Européens.

Mais hier, avant-hier, d'autres amis ont été touchés par le même malheur, francophones, partenaires économiques. Sur le réseau social, pas de drapeau ivoirien, pas de dessin d'éléphant en larmes, pas de drapeau malien, pas de vert-jaune-rouge, il est vrai qu'à Bamako il n'y a pas eu de victime hormis un assaillant. Pour la Côte d'Ivoire, pas un mot de réconfort. On a juste souligné que c'était la France qui avait été visée à Grand-Bassam et que 4 Français se trouvaient parmi les quinze victimes qu'avait faites l'attentat.

On a quelquefois la larme sélective et le clic paresseux, à moins que l'on se soit un peu senti obligé d'"Etre Charlie", d'"Etre Paris", par panurgisme, de peur que notre non-participation à l'affliction collective ne révèle de nous quelque chose se suspect : notre indifférence à ce qui ne nous touche pas de façon exclusivement personnelle. On a quelquefois le clic facile.

Alors, Je suis Charlie, Je suis Paris, Je suis l'éléphant, Je suis Bruxelles, quoi d'autre ?

A cette heure, il me vient les paroles d'une chanson de Jacques Brel :

Toi, Toi, si t'étais l' Bon Dieu

Tu f'rais valser les vieux
Aux étoiles
Toi, toi, si t'étais l'Bon Dieu
Tu rallumerais des vagues

Pour les gueux

Toi, Toi, si t'étais l'Bon Dieu
Tu n'serais pas économe
De ciel bleu
Mais tu n'es pas le Bon Dieu
Toi, tu es beaucoup m
ieux
Tu es un homme

Tu es un homme
Tu es un h
omme

Voilà, je suis un homme.

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S
Réalité très bien décrite, toujours avec un style singulier où l'on sent une personne entière...<br /> Une plume profonde, poétique et crue à la fois.
Répondre
L
Ouh la, je réponds tard, mais le cœur y est. Je n'avais pas remarqué qu'il y avait des commentaires (l'interface OB a changé). Eh bien, merci.