Foule
Et hop, tous avec moi. On saute. Un, deux, trois, quatre. On saute. Un ! On saute. Deux ! On saute. Trois ! On saute. Quatre ! On recommence. Un, deux, trois, quatre. Un, deux, trois, quatre. Au pas. Au pas. On tend le bras. On fait coucou. Un, deux, trois, quatre. On lance le poing. On remue les bras. Au pas. Au pas. Ça ondule. Un coup vers la droite, un coup vers la gauche. Et ça continue. On lève les genoux. La musique, toujours, bien en rythme.
A droite et à gauche, quelques autres s'y mettent, une dizaine de chaque côté. Ça a l'air improvisé. Ça ne l'est pas. Un semblant de chorégraphie bien apprise. Un, deux, trois, quatre. Un petit
noyau central au milieu de la foule s'agite. Bien en rythme. Les corps qui sautent. les bras qui se lèvent. Les poings, les mains qui se tendent. Et ça saute.
Puis les genoux qui montent, puis l'ondulation des bustes. Un coup j'y vais, un coup j'en reviens.
Le petit noyau central s'agrandit. Ils sont une cinquantaine qui répètent les mouvements de danse. Se déhanchent. Pas même toutouyoutou, ça ressemble à la gymtonic, c'est un flashmob. On a besoin
de ces mots là ?
C'est organisé. Ça veut faire croire à une improvisation géniale d'individus à l'heure H, au moment même. Commun. C'est téléphoné. Mis en scène par une compagnie de téléphonie ? Hop ! Hop ! Hop !
Hop ! Saute. Bras. Coucou. Poing. Bras, les deux. Ondulation. Le groupe grossit, grossit. La foule, toute la foule au final, pendant la chanson, saute, gigote ensemble, bras, genoux. Au pas. Au
pas. Un, deux, trois, quatre.
Vu de haut, c'est beau. Vue d'ensemble : Tout le monde est ensemble. Cette impression de communion. Tous ensemble tous ensemble ouais, ouais. Ein, Zwei, Drei, Vier. Des gens bien dans
leur peau. Ça rigole, tous ensemble, tous pareils. Ola. Une vague. Comme sur l'autoroute des vacances. Ça impressionne. Il y a masse. Pas un mouvement désordonné.
Vive l'ordre. Un, deux, trois, quatre. Poing lancé. Bras tendu. Un, deux, trois, quatre. Ein, Zwei, Drei, Vier. Les chanteurs chantent. le public bouge. Suffirait que ça ne chante pas.
Que l'ambiance soit au discours. Ça s'est déjà vu. Un auditoire réuni. Au signal, tout le monde pavlovise. Au nom du père, du fils. Ein volk, ein reich, ein führer.
Je sais bien que ce n'est pas la même chose, gueulez pas, les nazis. Pas vous assimiler aux chrétiens, aux muslims, le cul en l'air, les juifs sous leur drap, et tous les autres dans leurs
différents rituels. Gueulez pas les autres. Pas les mêmes religions les uns les autres. Pas les mêmes motifs ? Ola. Celle du PSG et celle de l'OM, celle de l'OL. Qui ne saute pas ne saute pas,
pas. Sieg Heil ! Sieg Heil !
Foule. Foule d'individus poltrons, racaille en bande. Foule d'individus sages, lyncheurs en masse. Qui suivez-vous, suiveurs ? Perdez votre libre arbitre au profit de qui ?
Flashmob ! Quel est le motif ? Futile, commercial, esthétique ? Peu importe. Communion, ordre. Panurgisme.
Ça commence par un qui fait le geste. Qui séduit. Qui apprend. A deux, déjà il y a un ensemble. Langage commun. Pour quoi dire ? Amusement. Rigolo le twist Pulp Fiction et les deux doigts qui
passent devant le regard du couple de danseurs. Travolta en diable, tu te sens, Uma irrésistible, tu t'imagines. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, le geste séduisant, gimmick
physico-érotique, est répété par quinze, vingt, cent personnes. D'un coup, ils sont une multitude de Travolta, de Thurman. Le monde est beau et amusant. Un poil uniforme.
I've got a feeling. Flashmob T-T-T-T-Téléphone mob-mob-mob-mobile. La chanteuse BlackEyePeas n'en croit pas ce qu'elle voit sur l'écran de son T-T-T-T-Téléphone mob-mob-mob-mobile avec lequel
elle filme le public.
Et c'est des mines. Yeux écarquillés, bouche arrondie. Oh ! Oh ! Oh ! Vous êtes formidables. Vous me scotchez ! Tous ensemble. Oh ! Et c'est vous qui faites ça ! La foule dans sa totalité.
Voilà le mot. Totalitarisme.
Les motifs ? Méfi ! Futiles, amusement. Pense !
Commercial ? Tu adhères ? Tu collabores ? Esthétique ? Pour qui ? L'art c'est toujours pour les autres, pour le partage, les autres le prennent comme ils le veulent. Pas d'art imposé, pas de
message imposé dans l'art. Politique ? Au profit de qui ? Jusqu'où iras-tu ? Quels gestes ? Manifestations pacifistes, lynchages, pogroms, incarcérations, tonsures de femmes mal accompagnées,
prison, HP, massacres ?
Un, deux, trois, quatre. I've got a feeling. Gueulez pas ! Ouais, je mélange tout ! Une foule ? Qui est le chef ?