Saint François, parle encore aux oiseaux !
Plus prosaïquement, je bouffe du curé.
Comme je le disais au repas de dimanche, bien pourvu en Margaux et Beaujolais, entouré d'amis et sous le soleil printannier, la spiritualité est une affaire personnelle, un dialogue avec un miroir, et la religion faite par des hommes. Et quand bien même un Manitou serait l'auteur de ce beau et triste monde, rien ne nous oblige (moi et les autres imbéciles) à nous prosterner et à le prier, si ce n'est l'injonction feutrée ou coercitive – tout dépend de l'époque – de gourous bornés qui parlent en son nom, traduisent sa pensée et dictent ses volontés sans même connaître la langue.
Pour ne pas paraître discriminatoire, j'ai pour les imams, les rabbins et autres moines safranés la même méfiance et la même antipathie. J'ai pour les pratiquants le respect (pas plus) que je dois à mes frères humains pas pour leur pratique – à noter qu'ils ont la même dette à mon égard, je tiens à le rappeler – mais je n'en nourris pas moins des doutes extrêmes quant à leur croyance et au respect qu'ils ont pour leur propre enseignement moral.
On me dit ours, on me dit anar. Ainsi soit-il. En fait, je suis un "chrétien pratiquement". J'aime cette formule, qu'on ne me la pique pas ! D'ailleurs, Léo* ne s'y trompait pas, Jésus-Christ qu'était-il d'autre ?
J'ai un beau prénom, qui fait référence à celui qui parlait aux oiseaux, qui défendait les pauvres et assistait les lépreux. Sanctifié, il est devenu Saint François d'Assise, on le fête le 4 octobre. Ce saint est le moins honni de ceux de sa catégorie chez les libres penseurs, probablement pour sa légende de partageux. Ayant renoncé à tout bien matériel, à toute richesse, vivant de l'obole que lui jette le passant, il est le symbole de la pauvreté.
Comme son nom l'indique, Claudio Ricci est italien et n'est pas un pauvre.
Grand bien lui fasse, il est de droite. Et maire. Maire d'Assise pour être précis. La ville même de Saint-François. Quand on est un maire de droite, en Italie, on se doit de prendre mille précautions pour que l'Eglise soit respectée, que rien ne menace son caractère sacré.
C'est pour cette sainte raison que Claudio Ricci a émis un arrêté municipal interdisant la mendicité à moins de 500 mètres d'une église d'un lieu de culte, d'une place ou établissement public. Le traîne-latte, le pousse-mégot, le mendigot salingue et autres cafards de la société sont priés d'aller tendre la main ailleurs que là où passent le pèlerin et le touriste. C'est vrai, quoi, tous ces pauvres dans la ville du saint des pauvres, ça fait tache.
Alors, Saint François, j'ai une requête à te faire, ainsi qu'aux oiseaux. Toi qui leur parle, demande à nos amis ailés de leur chier dessus à ce Ricci et à ses fidèles qui ne supportent pas la pauvreté qu'ils ne savent et ne veulent combattre, et qui bien souvent la créent.
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(*)
La vie m'a doublé c'est pas régulier
Pour un pauv' lézard qui vit par hasard
Dans la société
Mais la société j'veux pas m'en mêler
J'suis un type à part
Une graine d'ananar
On m'dit qu'j'ai poussé en-d'ssous d'un gibet
Où mon grand-papa balançait déjà
Avec un collier
Un collier tressé de chanvre il était un foutu foulard
À graine d'ananar
J'avais des copains qui mangeaient mon pain
Car le pain c'est fait pour êtr' partagé
Dans not' société
C'est pas moi qui l'dit mais c'est Jésus- Christ
Un foutu bavard
À gueule d'ananar
Si j'avais des sous on m'demand'rait "Où
Les as-tu gagnés sans avoir trimé
Pour la société ?"
Mais comme j'en ai pas faut lui dire pourquoi
C'est jamais peinard
La graine d'ananar
On m'dit qu'c'est fini j'vous l'dit comme on l'dit
Et qu'on me pendra au nom de la loi
Et d'la société
D'la belle société qui s'met à s'mêler
De mettre au rancart
La graine d'ananar
Potence d'oubli l'oiseau fait son nid
Messieurs les corbeaux passeront ma peau
Comme à l'étamis
Mais auparavant j'aurai comme le vent
Semé quelquepart
Ma graine d'ananar