Chocottes
Et voilà ! J'ai les chocottes. Tout ça à cause des primaires socialistes ! Non pas les candidats qui seraient primaires, mais les élections primaires. Des élections avant l'heure. Copé le dit,
attention au fichage de gauche ! Imaginez les représailles si je m'aventurais à ne pas aller voter ! On pourrait me reprocher de ne pas être de gauche. A moi, qui ne suis pas « de
gauche », mais qui suis encore moins de droite et pas davantage du centre. Comme dit Léo, je suis d'un autre pays que le vôtre, d'un autre quartier, d'une autre solitude.
Ainsi, je pourrais être suspect d'appartenir au mauvais camp dans une municipalité qui... tiens, je m'aperçois que j'ignore la coloration de Madame l'édile.
Je sais qu'en ce moment, on veut implanter une éolienne qui, aux dires des opposants à la chose non contente de nous pourrir le point de vue, va nous apporter mille maux à base d'infrasons, à
nous humains, mais aussi aux bestiaux. A la campagne, les bestiaux comptent beaucoup. Lorsque le pétitionnaire contre les grandes hélices est venu, je me suis emporté. J'étais prêt à l'écouter
fourbir ses arguments, voire m'ériger moi-même contre le capteur de vent, mais je me suis emporté. Surtout lorsque je lui ai demandé s'il préférait avoir une centrale nucléaire à proximité et
qu'il m'a répondu oui avant de placer son couplet sur l'énergie propre et pas coûteuse d'Areva. Il est reparti sans signature, alors même que je ne suis pas sûr d'être d'accord pour
l'implantation de cette foutue éolienne que je trouve infiniment plus moche qu'un moulin à vent. Passéiste comme je suis, je regrette les moulins à vent. Me voilà deux fois plutôt qu'une sujet à
me faire traiter de réac, pour ne pas dire de vieux con. On s'habitue.
Je sais également qu'un programme de réhabilitation des logements en vigueur dans le coin veut nous faire remplacer nos fosses septiques.
Un gugusse spécialement mandaté s'était présenté il y a un an et demi pour inspecter nos installations, pour établir un diagnostic (j'ignorais que nous fussions malades) qui aurait pour
conséquence de les faire entrer dans un classement.
Pour qu'il pût faire correctement son compte rendu, il aurait fallu déterrer la fosse septique, il aurait fallu pouvoir soulever la lourde, trop lourde plaque de béton recouvrant le « bac de
dégraissage » et jouer à l'archéologue pour mettre à jour les « araignées », ces tuyaux d'évacuation des eaux, en détruisant tout le jardin. D'une part, je n'ai pas la moindre idée
de l'endroit où ces tuyaux se situent, mon implantation dans la région étant assez récente, d'autre part, mon lumbago quasi chronique et moi-même répugnons à ce genre de sport.
Le type est reparti avec son questionnaire rempli au petit bonheur, non sans m'avoir délesté au passage de la somme correspondant au prix du diagnostic qui m'était imposé, et qui finalement n'a
pas été effectué. Précisons que cette enquête avait pour but d'évaluer la nécessité pour notre village de la mise en place d'un tout-à-l'égout.
Cette solution qui aurait simplifié la vie de tout le monde a naturellement été rejetée, au profit de la réhabilitation des fosses par leurs chanceux propriétaires.
Evidemment, la note reçue par les installations défaillantes ou déclarées comme telles parce que non contrôlées se situe dans les profondeurs du classement et injonction est faite aux mauvais
citoyens que nous sommes de s'adresser dans les quatre ans (délai accordé à partir de la date du diagnostic) à l'entreprise adéquate pour se mettre en conformité avec la loi des épandages sous
peine d'encourir une amende chaque année de retard.
Je n'insisterai pas sur le fait que suite à un appel d'offres, une seule entreprise s'est présentée au choix de la municipalité, ce qui a au moins le mérite de simplifier les décisions. Pour
aider les malheureux que nous sommes, une subvention de 60% de la somme à débourser pourra être versée. Petit problème : il n'y en aura pas pour tout le monde. Autre petit problème, l'entreprise
en question n'aura matériellement pas le temps d'effectuer tous les travaux dans les délais.
J'ignore donc quelle est la coloration politique de notre équipe municipale. Une chose est certaine, c'est que je ne voterai pas pour un candidat de l'UMP, ni l'un de ses anciens collaborateurs
ou pour la candidate du FN. Pas plus en 2012 que plus tard. L'extrême gauche ne me sied pas à merveille, quant au PS ou EELV... Je ferai comme d'habitude, je voterai pour celui qui me paraît le
moins nocif, sans toutefois mettre ma tête sur le billot en pariant que j'ai fait un bon choix. A moins que je ne vote pas, mais ne pas voter contre, c'est un peu voter pour ! Cruel dilemme.
Ignorant la coloration politique de notre équipe municipale (qui ne regroupe pas que des flèches) je n'exclus pas le fait qu'elle puisse se réclamer du PS. Et que pourrait-elle me faire si
d'aventure je n'allais pas voter aux primaires socialistes ? Me supprimer les allocations chômage que je ne perçois pas ? M'évincer du RSA que je ne touche pas ?
L'UMP craint que les socialistes n'établissent des listes à partir des feuilles d'émargement du vote aux primaires, peut-être y a-t-il matière à s'émouvoir, mais que dire des listes dont dispose
la droite au pouvoir ? Celles plus ou moins non déclarées des nouveaux services de renseignements généraux, les fichiers de police, les attendus des tribunaux des prud'hommes (dont je ne suis pas
sûr que les DRH des entreprises à qui l'on fait l'honneur de proposer ses services ne les épluchent pas pour éviter de vous faire bosser), les fichiers des recensements officiels et ceux des
instituts de sondage, des entreprises commerciales, ceux obtenus par le farfouillage dans les réseaux sociaux, bref, toutes ces sources d'information et de flicage dont on ne sait réellement,
malgré la Cnil, qui a accès à ces données.
Je sais que pour ma part, je suis suspect d'être de gauche aux yeux des gens de droite, et d'être un social traître aux yeux des gens de gauche. Et généralement, les uns comme les autres me
situent vers les extrêmes.
Ah les cons !