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Droit dans le mur

Publié le par L'ours

Voilà un problème bien compliqué auquel avocats et juges ont dû se confronter et qui pose des questions en termes de pouvoir.

Des salariés d'une entreprise (Alten) s'étaient, depuis leurs domiciles, mis à dégoiser d'ironiques critiques sur leur mur Facebook. Rien de très scandaleux, l'un s'estimant mal considéré par sa hiérarchie se présentait comme faisant partie d'un « club de néfastes », peut-être pour traduire une sorte de discours rapporté, le ressenti de ce que la hiérarchie pensait de lui, ce à quoi deux autres salariés avaient répondu « bienvenue au club ».

On voit là le dénigrement extrême dont ils se sont rendus coupables. Le genre de propos fréquemment tenus devant la machine à café, à la cantine ou au bistrot – espaces publics qui apparemment manquent cruellement de micros et caméras de surveillance – qui appellent le sourire ou le rire sardonique et qui libèrent pour quelque temps les salariés mécontents et leur permettent de continuer à travailler.

Heureusement, la tradition de la délation est encore bien vivante dans notre beau pays, tout ne fout pas le camp, comme nous l'assènent les déclinistes et les esprits chagrins. Une méchante plume, un mauvais camarade a rapporté à la hiérarchie en question les irrespectueux échanges. On n'a que les avantages que l'on se crée, n'est-ce pas.

Lécher, trahir, lyncher, le tout enrobé dans un salmigondis fait de bon droit, de loyauté, de fidélité à l'entreprise, bref, de grands mots pour de grands principes qui appellent la posture offusquée et l'hypocrisie parée d'un quant-à-soi qui n'en est pas un. Les traîtres et les lâches aiment à revêtir les habits de lumière des hommes honorables.

Les salariés irrévérencieux ont donc été licenciés pour faute grave. On ne dénigre pas impunément son chef de service ! Pas publiquement, pas devant le monde entier !

Deux d'entre eux ont contesté ce licenciement devant les prud'hommes. Certes, la critique est admise, a réaffirmé le conseil des prud'hommes, mais pas le dénigrement ou la diffamation, et encore moins dans un espace qui ne relève pas du domaine privé, comme la correspondance. Facebook et autres réseaux sociaux ne faisaient pas encore partie du champ d'application du Code du travail. Voilà chose faite.

Le Conseil des prud'hommes a délibéré et rejeté la contestation des salariés et donné raison à l'entreprise. « Les réseaux sociaux, disent-ils ne sont pas des espaces privés au sein desquels on peut tenir n'importe quel propos sans peur des conséquences. »

Le problème est ardu. Qu'en est-il de la confidentialité des réseaux sociaux. A quoi sert-il donc de paramétrer la diffusion de ses messages à ses seuls amis ou l'autoriser à tous ou aux amis de ses amis, si finalement la Justice met tout dans le même sac ?

Faut-il inventer un espace semi-public semi-privé ? Le jugement des prud'hommes pourrait paraître anecdotique s'il ne faisait jurisprudence que dans le monde du travail, mais il devient dès lors très dangereux pour le citoyen moyen qui fait de son mur FB une terrasse du café du commerce. Il sera d'une facilité extrême pour le politicien, fût-il le plus véreux du monde, d'assigner devant un tribunal le citoyen qui pour un bon mot, par imitation de nos meilleurs humoristes ou par simple engagement moral se mettra à ironiser sur lui. Facile et éventuellement rémunérateur si des dommages et intérêts sont réclamés.

Voici une belle contribution au maintien de la liberté d'expression et au désencombrement des tribunaux.

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C
<br /> <br /> Le mur FB des lamentations ?<br /> <br /> <br /> <br />
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