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Joli mois de mai

Publié le par L'ours

Trente ans, ça fait des lustres. Nous étions jeunes et nous pensions qu'on le serait pour longtemps.
Giscard barrait, avec son crâne d'éternel ministre des Finances, sa raideur empesée malgré son désir de faire peuple, ses vœux au coin du feu et son accordéon.
Il ne devait pas parler des diamants de Bokassa aux éboueurs qu'il recevait à l'Elysée, ni dans l'appartement de ces gens humbles chez qui il s'invitait à dîner pour plaire aux caméras. La communication, déjà. Et la crise. Le pétrole nous faisait du mal, déjà. Certes quelques avancées dans la société, la loi Veil, l'abaissement de la majorité à 18 ans...
Deux ministres Boulin, Fontanet, le premier retrouvé mort en forêt de Rambouillet, le second assassiné n'ont aujourd'hui toujours pas livré les secrets de leurs disparitions. La hausse du chômage devenait un thème récurrent, et selon Roger Gicquel, la France avait peur.
Mai 81, j'aurais 22 ans au mois d'août. La fac. Premiers contacts avec le théâtre amateur. Souffrance du timide et plaisir de l'exhibitionniste. La passion durerait près de quinze ans. Comme je m'y remettrais bien !
Goûts partagés entre la grande chanson française, le jazz et le punk rock. Je suis resté fidèle à mes grands poètes. La FA. Sympathisant avec tous les syndicats étudiants, jamais encarté. Des membres du GUD cramaient de temps en temps le bureau de l'UNEF à Villetaneuse et veillaient rue d'Assas, bouclaient le quartier, l'air martial et à l'occasion castagnaient les étudiants qui manifestaient.
Ma préoccupation première était d'échapper au service militaire. Sursitaire à vie, le statut n'existant pas, il me fallait opter soit pour l'objection de conscience, génératrice de problèmes, soit la coopération, plus longue, soit pour l'exemption ou la réforme. Finalement, Thalie aura eu le dessus sur Arès, ou du moins je me plais à le croire, à moins que ma petite comédie bien que peu convaincante ait donné prétexte à un psychologue compréhensif de s'en tenir à un quota d'incorporations déjà atteint. L'ESJ et le bonheur de vivre un bel amour. Et je sais aujourd'hui que les braises, là aussi, rougeoient sous la cendre.
10 mai 81. Celui dont certains craignaient qu'il ferait défiler les chars soviétiques sur les Champs-Elysées est enfin élu. Le jour de gauche était arrivé. Quelle bouffée d'air frais. Les méchantes langues pratiquaient la syncope et prononçaient Mitrand. Combien de syncopes chez ces bourgeois lorsque le visage de leur vieil ennemi apparut sur l'écran en lieu et place de l'ancien président, homme du passif ?
L'éloquence brillante succédait à l'élocution ampoulée.
Ah ! le formidable espoir, soudain, on sentait une brise légère souffler, alors que nous avions le sentiment qu'un couvercle nous étouffait. Les choses allaient changer. Un mot grossier devenait permis dans les conversations : nationalisations. A voir comme il est redevenu imprononçable. Mais les modes linguistiques changent.
Et celui qui n'était pas encore « Dieu » allait symboliquement déposer quelques roses au Panthéon. Ça avait une autre gueule qu'une nuit au Fouquet's.
Bien sûr, il y a eu un après... N'empêche. Il faisait beau en ce mois de mai. Et mon cœur nourrit les mêmes sentiments pour une gauche humaniste, celle que l'on pensait voir advenir le 10 mai 1981.
Cabrel comme Trénet disent la même chose, et finalement, moi comme eux, quand j'aime une fois, j'aime pour toujours. Fidèle fidèle, je suis resté fidèle...

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C
<br /> <br /> C'était beau. J'aime tes mots, que je partage, si tu me le permets.<br /> <br /> <br /> <br />
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